Nigeria : 1re obligation domestique en $ sursouscrite à 180 % pour 900 millions

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(Agence Ecofin) - Pour le Nigeria, cette transaction sur le marché intérieur pourrait bien être un signe d'espoir dans une période difficile. Si, à court terme, ce succès apporte une bouffée d’oxygène, il reste à voir si le pays saura gérer les conséquences potentielles d’un endettement en devises étrangères dans un environnement macroéconomique toujours aussi incertain.

Le Nigeria vient de réussir un coup d'éclat avec sa première émission obligataire domestique en dollars, sursouscrite à hauteur de 180 %. Prévue pour lever 500 millions $, l'opération a finalement recueilli 900 millions $ d'engagements. Une performance qui peut sembler surprenante, tant la situation économique du pays reste fragile, entre inflation galopante et dévaluation persistante de la monnaie nationale, le naira.

Cette transaction, selon Wale Edun (photo), ministre de l’Economie et des Finances, marque une première dans l’histoire du marché obligataire domestique nigérian. « Ce succès est le reflet de la confiance des investisseurs en notre capacité à relancer l’économie », a-t-il commenté. Derrière cette confiance affichée se cachent néanmoins des enjeux et des risques qui ne doivent pas être sous-estimés.

Un pari audacieux sur le dollar

Le Nigeria, première puissance économique d'Afrique de l'Ouest, a opté pour une obligation domestique en dollars plutôt qu’en naira, une décision symptomatique des difficultés que traverse son économie. En effet, le pays souffre d’une pénurie chronique de devises étrangères, exacerbée par une dépréciation constante de sa monnaie nationale. En misant sur le dollar, Abuja cherchait à attirer des investisseurs en quête de stabilité dans un contexte où le naira perd de sa valeur jour après jour.

Cette première obligation, d’un coupon de 9,75 % remboursable semestriellement sur cinq ans – donc un taux effectif de 9,99 % – vise à financer des projets stratégiques dans des secteurs essentiels comme l’énergie et les infrastructures, a indiqué le gouvernement fédéral. Elle s’inscrit dans un programme plus large de 2 milliards de dollars enregistré auprès de la Commission des valeurs mobilières nigériane. Selon les termes de l’émission, le gouvernement a le droit d’absorber les sursouscriptions jusqu'à concurrence de la limite totale du programme d'émission de 2 milliards de dollars.

Un succès qui soulève aussi des questions

La sursouscription de l'obligation à 180 % a été saluée par le gouvernement comme une victoire majeure, car, comme escompté, elle a attiré des investisseurs nigérians locaux, ceux de la diaspora ainsi que des institutions internationales. Pour autant, cette stratégie soulève plusieurs interrogations. Le Fonds monétaire international (FMI), notamment, avait exprimé des réserves quant à l'émission d'obligations domestiques en devises étrangères. Selon l’organisation, cette initiative pourrait accentuer la pression sur le naira, déjà en grande difficulté, et augmenter le coût de la dette pour le pays.

Selon l’institution de Bretton Woods, en émettant des obligations en dollars, le Nigeria s’expose à un risque accru de change. Si le naira continue de se déprécier, le remboursement de cette dette pourrait devenir particulièrement coûteux pour l’Etat, dont les revenus sont majoritairement libellés en naira. L’autre danger est l’effet que cette émission pourrait avoir sur les réserves en devises étrangères du pays, qui risquent d’être utilisées pour honorer les engagements en dollars, affaiblissant davantage la stabilité monétaire du pays. Le FMI évoque également des risques de fragmentation du marché domestique. « L’émission de dettes en devises étrangères sur le marché domestique pourrait aggraver les déséquilibres économiques si elle n’est pas soigneusement gérée », avait prévenu l’organisation internationale.

Des préoccupations auxquelles la directrice générale du Bureau de gestion de la dette (DMO), Patience Oniha, qui a qualifié cette émission de « moment charnière » pour le marché financier nigérian, a tenté de répondre. Selon elle, ce succès pourrait ouvrir la voie à de futures émissions domestiques en devises étrangères, permettant au Nigeria de diversifier ses sources de financement. « Cette transaction est une preuve que le marché domestique nigérian est suffisamment robuste pour absorber des émissions en devises étrangères, tout en renforçant la confiance des investisseurs », a-t-elle affirmé.

Des investisseurs en quête de rendements élevés et de compromis

Malgré ces risques, les investisseurs n’ont pas hésité à se positionner sur cette obligation en dollars. Le rendement proposé de 9,75 %, bien qu'inférieur aux 19,5% offerts par les obligations sur cinq ans en naira, a attiré des profils en quête de placements relativement sécurisés. Face à l’instabilité monétaire et à une inflation avoisinant les 25%, beaucoup préfèrent miser sur une obligation en devises fortes. Pour eux, il s’agit de se protéger contre la dévaluation incessante du naira, qui rend les obligations locales de plus en plus risquées.

De leur côté, les investisseurs internationaux ont flairé l'opportunité d’obtenir des rendements solides dans un marché où les taux d’intérêt sont plus bas dans les économies développées. Cette obligation en dollars offrait donc une solution attractive, à mi-chemin entre les rendements des eurobonds nigérians, qui oscillent entre 9% et 10%, et une exposition limitée à la volatilité monétaire du pays. Par exemple, les eurobonds à échéance en 2029 affichent un rendement de 9,365%, tandis que ceux de 2049 montent à 10,552%.

Source: Agence Ecofin 

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